Quel regard le père vous êtes porte-t-il sur son fils aujourd’hui ?
Même si je ressens de la fierté dans sa volonté à vouloir poursuivre l’aventure Boucherie Dynamique je suis quelque part vigilant et anxieux quant à toutes les tracasseries rencontrées aujourd’hui dans la gestion d’une entreprise de cette taille-là. Ce n’est pas le commerce en lui-même aujourd’hui qui est compliqué, au contraire, c’est ce qui nous motive : la concurrence, les achats, le dynamisme ! Je ne suis pas inquiet pour lui, mais les tracasseries sociales, administratives, fiscales et les nouvelles normes deviennent insupportables. La « loi travail » aurait pu apporter l’oxygène et de la souplesse, mais apparemment il n’en sera rien. Dans ce pays, quand on touche aux fonds de commerce des syndicats et avocats, on se prive par ignorance de richesses économiques bénéfiques à tout le monde ; c’est dommage.
Quel regard le chef d’entreprise que vous avez été porte-t-il sur le chef d’entreprise qu’Alexandre est devenu ?
Je ne suis pas inquiet quant à sa qualité à appréhender sa charge de travail, il continue de travailler sur les fondamentaux qui ont fait la réussite de BD en lui donnant une touche plus moderne, plus vive. Il fait partie de la génération informatique, et à la différence de nous, il ne subit pas les innovations et c’est plutôt encourageant.
Quels sont ses qualités ?
Travailleur, courageux, rigoureux, juste.
Ses défauts ?
Peut-être vouloir aller trop vite, brûler les étapes !
Si vous aviez un conseil à lui donner ?
Quand il est demandeur, je suis là, nous étudions, nous réfléchissons, et il tranche, mais il m’écoute…
Comment percevez-vous le monde de la boucherie aujourd’hui, notamment par rapport à l’actualité ?
L’actualité ? Il y a toujours eu des périodes difficiles dans notre profession, à partir du moment où elles nous étaient imposées par des gens extérieurs à notre métier : la taxation dans les années 1970/80, la vache folle en 2000, les éleveurs Français aujourd’hui. Encore que pour les éleveurs, le problème est complètement différent. On a perdu 20 ans, voire plus, entre les consommateurs, les professionnels que nous sommes et les éleveurs, surtout pour les gros bovins, chacun œuvre dans son coin, en étant persuadé qu’il fait le meilleur et le mieux, et le consommateur ne s’y retrouve pas. Il y a un problème. Résultat des courses, il n’y a presque plus de bouchers indépendants, ils étaient les meilleurs ambassadeurs des filières, et le consommateur doit se satisfaire des généralistes non professionnels et multi-produits que sont les GMS (Grandes et Moyennes Surfaces). Prix tirés toujours vers le bas et appauvrissement des filières. Je reste pourtant persuadé qu’il y a des solutions. Mais la PAC (Politique Agricole Commune) et les politiques ont fait beaucoup de dégâts. On a trop géré à la petite semaine.
Qu’est-ce qui a changé dans le métier depuis vos débuts ?
L’appauvrissement de notre métier en tant que tel, c’est-à-dire la fermeture et la disparition de nos commerces indépendants ; les boulangers, les coiffeurs ont mieux résisté que nous. C’est dommage à plusieurs titres ! La diversification des établissements, c’était génial : quand vous pouviez choisir entre une boucherie à haut label, une boucherie traditionnelle et une boucherie discount, il y en avait pour tout le monde et pour toutes les bourses. On formait des professionnels de grande qualité, polyvalents dans les découpes et les approches clients. On a perdu tout ça.
Votre regard sur l’avenir de ce métier.
Je reste optimiste, je me suis toujours battu dans ce sens, et Alexandre est dans la même démarche ! Tant qu’on nous en laissera la possibilité, nous assurerons au consommateur la possibilité de venir choisir et acheter sa viande chez des professionnels. Notre développement nous rassure !
Portrait by PlaineVue – Juin 2016