Le nouveau président du syndicat des bouchers d’Eure-et-Loir, Alexandre Charron
Le nouveau président du syndicat des bouchers d’Eure-et-Loir, Alexandre Charron

Pourquoi avoir choisi de vous présenter au poste de président du syndicat départemental de la Boucherie ?

J’avais envie de donner une image un peu rajeunie de notre métier. Cela ne signifie pas que je critique ce qui a été fait avant. Je ne suis par contre pas toujours d’accord avec ce qui se vote au niveau national dans notre branche. Je me suis donc dit que je ne pouvais pas protester dans mon coin sans m’engager moi-même. C’était un peu le deal, je m’engage en Eure-et-Loir mais je souhaite, à terme, des fonctions au niveau national. Mon père a été responsable de la commission commerce, si je pouvais prendre part à mon tour à ces débats ce serait intéressant.

 

Quelles sont les décisions auxquelles vous faites référence ?

Il s’agit des négociations sur les conditions de travail, même si elles se sont nettement améliorées. Certaines décisions sont difficilement applicables pour nous. Je ne connais pas les chiffres exacts mais nous avons en France environ 80 % de petites boucheries. L’application des textes n’est pas la même selon taille de la structure. D’autre part, notre métier évolue, il va falloir qu’on évolue avec et pour le moment, ce n’est pas tout à fait le cas.

 

Quelles mesures prendriez-vous si vous en aviez le pouvoir ?

Je ne sais pas, je n’ai pas de prétention… Mais les 35 heures ont tué notre métier. Nous sommes passés, au niveau de la formation, de jeunes qui faisaient 40 à 45 heures par semaine sur deux, voire trois ans de formation, à un volume horaire de 35 heures sur seulement deux ans, tout en délivrant le même diplôme. Naturellement, nous sommes confrontés à un manque de savoir faire. Cela rend les choses très compliquées pour nous, d’autant que nous avons déjà du mal à recruter du personnel qualifié. Je me prononce presque en faveur d’une formation sur trois ans ou bien de la possibilité de faire faire aux apprentis un peu plus d’heures.

 

Constatez-vous un déficit de popularité du métier ?

Il y a un déficit de popularité des métiers de bouche car se sont des métiers difficile. On travaille dans le froid, tôt le matin, les jours fériés… Dans le même temps, chez moi, les vendeurs travaillent trois jours et demi par semaine, ils ont tous leurs dimanches. On peut redonner ses lettres de noblesse à notre métier sans faire les mêmes erreurs qu’il y a 25 ans.

 

Quelle va, selon vous, être la réponse de la profession face à la montée des protestations des antispécistes ?

Je ne vais pas m’exprimer à la place du président national, si ce n’est pour dire qu’aujourd’hui nous nous battrons. Évidemment, quand je dis se battre, ce n’est surtout pas avec violence. Bien que ce soit le terrain sur lequel ils jouent. Impossible de dire jusqu’où ils sont capables d’aller. Ils rentrent par effraction, ils sont persuadés d’être chez eux. Lorsque vous entendez que ce n’est pas grave de casser trois ou quatre vitrines parce qu’il y a des assurances, c’est gravissime. Ils ne se rendent pas compte que, pour certains, c’est le travail d’une vie. C’est pareil pour nous tous, tous les jours nous mouillons notre chemise pour donner du travail aux gens, donner à manger à nos clients, leur servir quelque chose de propre et en respect avec la législation. Et voilà que des groupes d’extrémistes se permettent tout et n’importe quoi. Cela, je le condamne.

 

Une campagne de communication a été lancée, avec des affiches etc.

Oui, pour le moment, nous la jouons soft. Nous communiquons sur les vaches racées, sur le made in France, sur le bien-être animal… Mais aujourd’hui, les seuls exemples que l’on nous oppose sont les abus dans certains abattoirs. Dans toutes les situations de vie, il y a des abus, des extrêmes. Pourquoi prendre les extrêmes comme référence ? Notre lobby n’est peut-être pas encore aussi puissant que les autres pour pouvoir faire taire tous ces gens-là. Il ne faut pas oublier que l’Homme est carnivore, ou omnivore, par définition. Depuis la nuit des temps l’Homme doit tuer un animal pour se nourrir.

 

Justement, ce qui a le plus d’impact auprès du grand public sont les conditions d’exécution des animaux, les vidéos sont insoutenables… Avez-vous une vision des abattoirs d’où provient votre viande ?

Je visite les abattoirs avec lesquels je travaille deux à trois fois par an. J’ai même travaillé pendant 6 mois dans l’un d’entre eux, Socopa, quand j’étais plus jeune. J’ai été visiter LDC dans la Mayenne, et d’autres… Je n’ai jamais assisté à de telles scènes. Il faut savoir qu’aujourd’hui, on fait ce que l’on veut d’une vidéo. Pourquoi certains abattoirs refusent de laisser entrer les médias ? C’est parce que des vidéos ont été truquées. J’ai vu dans un reportage diffusé avant-hier (N.D.L.R. : le 4 novembre 2018) des animaux attachés par les sabots soit disant encore vivants. Or, on voit bien sur la vidéo qu’ils sont morts, c’est une réaction nerveuse. Des informations fausses circulent, sur lesquelles nous n’avons pas de droit de réponse. Le peu de parole donné aux professionnels est rapidement balayé, on enchaîne directement de nouveau sur la maltraitance. Aujourd’hui dans les camions, il y a des abreuvoirs automatiques, un plancher anti-vibration, il y a un nombre strict d’animaux à respecter par véhicule de transport. La France dispose de réglementations draconiennes.

 

Observez-vous un changement dans la consommation ?

L’agneau et le veau enregistrent une forte baisse de consommation que j’attribue plutôt à la baisse du pouvoir d’achat. La volaille a gagné du terrain par rapport au bœuf depuis plusieurs années. Il y a quinze ans, nous étions à 15 ou 20 % de consommation de dinde, aujourd’hui on frôle les 45 %. Le bœuf représente cependant toujours 40 % de la consommation. Je ne dirais pas qu’il y a des reports mais les habitudes de consommation ont évolué. On va toujours consommer de la viande mais en recherchant un rapport qualité prix. L’exigence de qualité et de plus en plus importante et la conjoncture fait que le prix est aussi un facteur important. D’ailleurs, je ne suis pas certain qu’un made in France soit un gage de qualité. En Irlande, les vaches sont dehors toute l’année. Ici aussi mais ce que l’on n’a pas compris, c’est que l’on n’a pas assez d’élevage pour nourrir la population.

 

L’Écho Républicain – 07 novembre 2018