« Finie la caricature du bon boucher bedonnant, le steak haché sous les ongles : on a le droit d’être chef d’entreprise ! » Derrière cette revendication, un artisan boucher qui dit ce qu’il pense : Alain Charron, patron de la Boucherie Dynamique à Chartres. Mais avec 1 000 tonnes de viande vendues et 6 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels, 45 salariés… On voir surtout qu’il fait ce qu’il dit.
Fier d’être artisan et chef d’entreprise
Ne dites pas à Alain Charron qu’il n’est plus artisan. « Les gens ont l’image du boucher la tête dans le guidon et gagnant peu d’argent. C’est faux ! Je défends avec hargne mon statut d’artisan boucher. Mais je suis aussi un chef d’entreprise capable d’embaucher », vous répond-il avec conviction. Il faut dire que depuis qu’il a raté son BEPC en troisième, de la conviction, il en a fait preuve ! Son papa l’oriente à l’époque vers un boucher du Mans. Trois ans durant, il apprend le métier. Puis, il rejoint Paris. Il y travaille dans une boucher « de luxe » du quartier Saint-Lazare et décroche son brevet professionnel. « Dans le cadre du BP, des gens de la grande distribution parlaient de viande en barquette. Le marché était là ». Il ne lui en faut pas plus pour annoncer son départ à son patron.
« Compter le produit »
Dans la grande distribution, « loin d’être des bouchers profonds, ils vous apprennent à compter le produit, à l’acheter, à évaluer son prix », explique-t-il. En 1982, retour aux sources : il acquiert une boucherie dans le centre de Chartres et la baptise « Boucherie Dynamique ». En réalité, « explosive » aurait peut-être mieux convenu : de 325 000 euros en 1983, le chiffre d’affaires annuel du magasin de 30 m² passe à 1,4 million dès 1986, puis 2,4 en 1991 et ce, jusqu’en 1994. En 1995, Alain Charron ouvre un deuxième magasin, « parce qu’on se doit d’évoluer », s’installant ainsi dans 500 m² dans la zone d’activités de Chartres. En pleine « crise de la vache folle », les affaires de la « Boucherie Dynamique » sont prospères : 3,2 millions d’euros en 1996, 3,9 en 1997, 4,6 en 1998 et 1999, pour franchir les 5 millions en 2000 et atteindre les 6 millions d’euros aujourd’hui. Et ce n’est pas fini. « Nos 500 clients actuels peuvent être doublés, il y a une niche », affirme l’artisan boucher.
La « boucherie explosive »
Objectif 10 millions d’euros de chiffre d’affaires dans trois ans, soit 4 millions de plus aujourd’hui. Pour atteindre cet objectif, Alain Charron investit 3 millions d’euros dans la construction de nouveaux locaux de 2000 m² dont 299 m² de magasin. Situé non loin du site actuel de 500 m² qu’il remplacera, ce nouvel outil ouvrira ses portes en octobre 2007 et accueillera plus à leur aise ses clients, ses salariés et sa flotte de camionnettes de livraison.
La bonne idée : vendre du budget
« Je me suis demandé pourquoi les grandes surfaces prenaient 75 % du marché. La réponse est simple : ce sont des généralistes. Leurs clients n’achètent pas seulement de la viande… Or, que voit-on fleurir autour d’elles ? Des spécialistes ! L’idée est là : devenons des spécialistes et regagnons nos clients. » Il ne restait plus qu’à « offrir le meilleur rapport qualité-prix, service, prix, accueil et propreté. », avec en plus LA bonne idée : « vendre du budget. » Il propose donc sa formule de colis, contenant de la viande pour cinq personnes pour un mois. Aujourd’hui, il en vend deux cents par jour. Ce qui lui fait le plus plaisir ? « Voir nos clients acheter leurs 90 euros de viande pour le mois, que l’un de nos bouchers dépose dans leur coffre de voiture pour y voir… des sacs estampillés « grandes surfaces ». Là on a gagné ! »
Il a su…
Rester artisan : « Je n’ai rien inventé : on refait le métier d’il y a cinquante ans en proposant une méthode traditionnelle, des prix adaptés et un vrai contact humain. Vous n’avez pas le droit de trahir le client. Vous n’avez pas le droit de trahir le client. Je défens l’image de l’artisan traditionnel : on achète les carcasses que nos bouchers professionnels transforment, puis vendent en magasin. »
Positionner sa stratégie : « Toute l’astuce a été dans l’harmonisation du budget. C’est ce qui a fait notre succès. Ma cible de clientèle : les familles qui sont obligées de s’organiser parce qu’elles doivent payer les factures, rembourser la maison, la voiture, qu’il faut habiller, nourrir, divertir les enfants. Chez elles, les dépenses sont sectorisées : il y a une place pour l’alimentation. D’où mon idée de prix/portion. À regarder la progression de notre chiffre d’affaires depuis 1982, on sait que notre démarche correspond complétement aux besoins des gens. »
Se développer : « Même en pleine crise de la vache folle, notre CA n’a cessé d’accélérer sa progression ! Nos 5000 clients sont relancés par mailing tous les mois. Ils peuvent acheter en nous appelant, en faxant, en passant par notre site Internet. Ils bénéficient de notre service gratuit de livraisons. Dans quelques mois, nous pourrons les accueillir dans nos nouveaux locaux de 2000 m² ».
Frédéric Mélot, Le Monde des Artisans - Mai-Juin 2007